La preuve individuelle de l’information annuelle de la caution est exigée

par | Sep 30, 2025 | Droit commercial

La Cour de cassation renforce les exigences de preuve pour les établissements de crédit.

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu par sa chambre commerciale (Cass. com. 18-6-2025 n° 23-14.713 F-B), a réaffirmé l’importance d’une preuve individualisée pour l’envoi de l’information annuelle due à la caution. Cette décision établit clairement qu’un constat d’huissier regroupant des envois ne peut être considéré comme suffisant si le nom de la caution n’apparaît pas expressément dans les listings des destinataires.

I. Le contexte du litige
Une banque avait accordé un prêt à une société, garanti par le cautionnement de son dirigeant social. Suite à la défaillance de la société, la banque a poursuivi le dirigeant. La caution a alors soulevé un manquement de la banque à son obligation d’information annuelle, sollicitant la déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêt pour deux années, en application de l’ancien article L. 313-22 du Code monétaire et financier. La cour d’appel avait rejeté cette demande, estimant que les deux constats d’huissier produits par la banque, attestant globalement des envois d’informations annuelles par son prestataire, prouvaient suffisamment le respect de cette obligation.

II. La décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel et a jugé que la cour aurait dû vérifier si le nom de la caution figurait spécifiquement dans les listings d’envoi des lettres d’information pour les années en question. Cette exigence impose une preuve individualisée et non une simple attestation globale des envois.

III. Le cadre légal et la jurisprudence sur les modalités de preuve
L’obligation d’information annuelle, régie à l’époque par l’article L. 313-22 du Code monétaire et financier, est désormais unifiée par l’article 2302 du Code civil depuis le 1er janvier 2022. La solution de la Cour de cassation est transposable au régime actuel et concerne le créancier professionnel garanti par une caution personne physique.

1. La charge de la preuve et les moyens admissibles
Le créancier doit prouver l’envoi de l’information, mais pas sa réception par la caution. La preuve peut être apportée par tous moyens. Toutefois, la production d’une copie de lettre simple est jugée insuffisante pour prouver l’envoi, alors qu’une lettre recommandée avec accusé de réception, même non retirée par la caution, est probante.

2. L’évolution de la jurisprudence concernant les constats d’huissier
Les banques ont souvent recours à des commissaires de justice pour attester des envois groupés. La jurisprudence a progressivement précisé les conditions de recevabilité de ces preuves :

• Si des arrêts précédents avaient pu admettre des procès-verbaux d’huissier attestant globalement des envois, la tendance récente est à une rigueur accrue.

• En 2022, la Cour de cassation avait validé la preuve incluant les copies des lettres d’information, les listes nominatives des cautions destinataires et un procès-verbal d’huissier de justice ayant contrôlé le processus par sondage.

• Dès 2023, la Cour de cassation avait imposé aux juges du fond de rechercher si le nom de la caution était présent sur les listings d’envoi.

• Par cet arrêt de juin 2025, la chambre commerciale réaffirme ce principe, excluant de fait le pouvoir d’appréciation des juges du fond sur la suffisance d’un constat global ne mentionnant pas individuellement la caution. La première chambre civile partage une position similaire, rejetant les constats établis par sondage sans le nom de la caution.

IV. Le contenu de l’information
Il est important de noter que même si l’envoi est prouvé, la caution conserve la possibilité de contester le contenu de l’information si celui-ci n’est pas conforme aux exigences légales.

Conclusion
Cette décision de la Cour de cassation marque une étape importante, imposant aux établissements financiers une preuve individualisée et rigoureuse de l’envoi de l’information annuelle aux cautions. La simple production de constats d’huissier attestant d’envois groupés ne sera plus suffisante si le nom de la caution n’est pas explicitement mentionné dans les listes d’envoi. Il s’agit d’une protection renforcée pour la caution personne physique.